© DR

Mourad Mazouz

Globe Trotter

Extraordinaire parcours que celui de Mourad Mazouz, né en Algérie, qui a lancé restaurants et cafés dans le monde, dont l'emblématique Momo, il y a 17 ans, juste à côté de Piccadilly Circus.

Partager sur

Dans les yeux de Mourad on lit l'instinct, la détermination et le goût pour l'aventure. Né en 1962 de mère française et de père kabyle, Mourad grandit à  Alger avec ce dernier suite au divorce de ses parents. Mourad n'est pas du genre à s'atermoyer ; sa vie de "gamin des faubourgs" l'a rendu plus fort. Il quitte l'école à 13 ans. "J'ai du mal à écrire et à lire, mais j'ai regardé énormément de documentaires pour me cultiver" raconte sans détour Mourad, qui s'est récemment découvert dyslexique. Pour éviter qu'il ne tourne en rond, Mourad est renvoyé en France à 15 ans, où il retrouve sa mère qu'il n'a pas vue depuis neuf ans. En banlieue, l'adaptation n'est pas aisée, mais Mourad est débrouillard. A 16 ans, il est homme de ménage et vit dans son propre studio. En boîte de nuit il rencontre Smaïn qui le prend sous son aile. De colocataire, Mourad devient même son attaché de presse officiel. 

L'appel du large  

A 21 ans, Mourad est meurtri par sa première peine de cœur. Il choisit de prendre le large et ne reviendra que six ans plus tard. Ne parlant pas un mot d'anglais, Mourad essuie nombre de revers et de galères à Los Angeles, puis fait les saisons à Aspen, New York ou Hawaii. Il découvre la restauration mais fait surtout l'apprentissage de la vie et noue des amitiés fortes. Mourad part à Bali, "parce que ça sonne bien et que ça semble loin". Là, il est en charge d'acheminer un voilier à Bornéo ou en Malaisie selon les besoins de son propriétaire. Il enchaîne les convoyages aux Caraïbes. Suite à un retour un peu forcé en France : "pas le choix, j'avais été extradé" rit-il, Mourad se retrouve à Paris. Son but : monter son premier restaurant et le vendre deux ans plus tard... pour voyager bien sûr. Nous sommes en 1988 et sa compagne de l'époque est enceinte. Mourad emprunte autour de lui, s'associe à Smaïn et ouvre le Bascou, une cuisine de bistro Sud-Ouest, qui connaît un succès immédiat et devient vite un repaire de copains. Au bout de deux ans, on lui propose une autre affaire juste à côté. "Je ne sais pas pourquoi je saute sur l'occasion... c'est là que mes rêves de voyage s'envolent." Mourad ouvre avec un ami le 404, "un des premiers restos rock'n roll arabe à Paris".

Paris-Londres à moto

En 1994, Mourad tombe amoureux d'une Anglaise et multiplie les allers-retours, à moto, parfois même dans la journée. Si la relation ne dure pas, Mourad a le temps de faire un constat : il n'y a pas un restaurant arabe à Londres. Il vend le Bascou, en profite pour voyager, puis en 1997, après des travaux réalisés avec les copains qui dormaient sur le chantier, il ouvre le Momo. Un sacré pari ; Londres est à l'heure du minimalisme, Mourad déroule la débauche des Mille et une nuits. C'est un succès immédiat. Malgré une première année "sur les genoux", ce que retient Mourad, c'est surtout l'effervescence de ces débuts, les fêtes, les rires... Il est alors démarché par Claude Challe, figure des nuits parisiennes. Amoureux d'une Anglaise, celui-ci veut monter un restaurant à Londres et envoie Mourad en éclaireur. Quand celui-ci  dégote une bâtisse du XVIIIe siècle à deux pas de Regent Street, le fondateur du Budha Bar change de cap ; ses amours outre-manche n'ont pas duré, il se retire. Mourad décide sur un coup de tête de signer quand même le bail. Il faudra quatre ans d'enfer, de galères et de levées de fonds tous azimuts pour qu'enfin le Sketch ouvre ses portes, avec Pierre Gagnaire aux manettes. "C'est la première fois où j'ai mis un genou à terre... J'ai reçu beaucoup de critiques : le mec des couscous qui ouvre un gastro, personne n'y croyait." En 2013, le Sketch a pourtant fait sa plus grosse année. Depuis, Mourad empile les succès : il s'associe pour monter le Club Gascon, ouvre des cafés et restaurants à Abu Dabi, Dubai... Il a aujourd’hui deux enfants de 4 et 8 ans avec sa compagne franco-libanaise.

Pour la première fois de sa vie, Mourad a acheté un "chez lui", un terrain à Formentera, quelques cases qu'il retape pendant les vacances avec ses copains. Il lui reste un rêve : traverser le Pacifique en voilier avec ses amis. L'amitié, chez Mourad, est indéfectible. 

Ecrit par Amandine Jean